Introduite par la loi Pacte de 2019, la qualité de société à mission permet à une entreprise de se doter d’une raison d’être intégrant la prise en compte des impacts sociaux, sociétaux et environnementaux de ses activités.*
QU’EST-CE QU’UNE ENTREPRISE A MISSION ?
L’article 176 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi Pacte) a introduit la qualité de société à mission. L’idée est de permettre à une entreprise d’affirmer publiquement sa raison d’être et d’afficher les objectifs sociaux et environnementaux qu’elle se donne pour « mission » de poursuivre. Il s’agit, par cette démarche d’engagement volontaire relatif à l’objet social de l’entreprise, de concilier l’intérêt commun des associés d’une société commerciale et la réalisation d’un objectif plus large d’intérêt général, au-delà de la seule performance économique et financière.
QUELS SONT LES AVANTAGES ESCOMPTÉS ?
Pêle-mêle, le ministère de l’Économie et la Banque publique d’investissement (BPI France) listent les principaux avantages qu’il y aurait à devenir une société à mission. La démarche permettrait notamment de donner du sens au projet de l’entreprise en fédérant les équipes autour d’une ambition commune (actionnaires, salariés, partenaires), d’améliorer la marque employeur en affirmant sa raison d’être auprès de ses parties prenantes et de collaborer avec une pluralité d’acteurs dans le domaine de la mission que l’entreprise s’est fixée. Autres intérêts : se prémunir des rachats hostiles et attirer des candidats en quête de sens et recherchant des entreprises engagées.
QUELLES SONT LES CONDITIONS À REMPLIR ?
De la PME à la multinationale, toutes les entreprises commerciales, quelle que soit leur forme juridique, peuvent devenir des sociétés à mission. Les entreprises volontaires n’ont pas besoin de changer de forme juridique pour le devenir. L’article L.210-10 et les suivants du Code de commerce fixent plusieurs conditions à remplir pour prétendre à la qualité (on parle aussi de label) de société à mission :
- la notion de raison d’être doit être inscrite dans les statuts (article 1835 du Code civil) qui doivent préciser un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission ;
- les statuts doivent préciser les modalités du suivi de l’exécution des missions ;
- la vérification de la poursuite de ces objectifs doit être faite par un organisme tiers indépendant (OTI) ;
- une déclaration doit être déposée au greffe du tribunal de commerce pour publication de la qualité de société à mission au Registre du commerce et des sociétés ainsi qu’au répertoire Sirene, la base de données des entreprises et des établissements.
QUEL CONTRÔLE POUR LA MISE EN ŒUVRE ?
Inscrire une mission dans les statuts de l’entreprise engage formellement les dirigeants et les actionnaires à déployer les moyens nécessaires (financiers, humains, logistiques) pour la mise en œuvre de cette mission. La réalisation des objectifs fait l’objet d’une vérification par un organisme tiers indépendant désigné par le Comité d’accréditation (Cofrac) ou par tout autre organisme d’accréditation signataire de l’accord de reconnaissance multilatéral établi par la coordination européenne des organismes d’accréditation. L’OTI est désigné pour une durée initiale qui ne peut excéder six exercices comptables. La désignation est renouvelable, dans la limite de douze exercices.
Pour rendre son avis, l’OTI a accès à tous les documents détenus par la société (notamment le rapport annuel établi par le comité de mission) et peut procéder à des vérifications sur place. L’avis de l’organisme indique si la société respecte ou non les objectifs fixés. Le cas échéant, il mentionne les raisons pour lesquelles ces objectifs n’ont pas été atteints ou pourquoi il a été impossible de parvenir à une conclusion.
À noter : pour les entreprises de moins de 50 salariés, une gouvernance spécifique doit être mise en place, sous la forme d’un comité de mission (comprenant au moins un salarié) ou d’un référent de mission désigné pour suivre l’exécution des missions.
QUELLES SANCTIONS EN CAS DE MANQUEMENT AUX MISSIONS ?
La vérification de l’atteinte des objectifs fixés par la société à mission est prévue tous les deux ans. Si les objectifs ne sont pas remplis, le ministère public ou toute personne intéressée peut engager une procédure de retrait de la qualité de société à mission auprès du président du tribunal de commerce compétent. Ce dernier peut alors, le cas échéant, ordonner au représentant légal de la société de supprimer la mention « société à mission » de tous les actes, documents ou supports électroniques émanant de l’entreprise. Cette suppression nécessite dès lors une nouvelle formalité modificative auprès du greffe du tribunal de commerce.
COMBIEN D’ENTREPRISES À MISSION ET QUI SONT-ELLES ?
Depuis la promulgation de la loi Pacte, 405 entreprises ont acquis la qualité de société à mission, selon le dernier baromètre (décembre 2021) de l’Observatoire des sociétés à mission. La dynamique est forte puisqu’en un an, ce nombre a presque quadruplé. Fin 2021, plus d’un demi-million de salariés (520 000) travaillaient dans une société à mission. Au niveau territorial, l’Ile-de-France concentre 51 % de l’ensemble des sociétés à mission, suivie par la région Auvergne-Rhône-Alpes (9 %).
Par ailleurs, « un nombre conséquent d’entreprises est en cours de formalisation de leur mission » souligne le Baromètre, sachant que « la démarche prend généralement 6 à 24 mois » et que « les changements statutaires ne seront effectifs que dans plusieurs mois ». Le dynamisme de ce nouveau modèle est avant tout porté par les PME de moins de 50 salariés et par les microentreprises (79 % des sociétés à mission). L’engouement est aussi assez prégnant du côté des ETI (7 % des sociétés à mission) alors qu’elles représentent moins de 0,2 % du nombre d’entreprises en France. Parmi les ETI ayant récemment adopté le label, on peut citer Harmonie Mutuelle, Lim Group, Emlyon Business School, Cooptalis ou encore Cetih. Quant aux grandes entreprises, elles ne représentent qu’à peine 2 % des sociétés à mission.
Soulignons également que les sociétés cotées commencent à s’emparer du modèle. Ainsi, depuis début 2021, cinq entreprises d’Euronext Paris (Frey, Obiz, Réalités, Voltalia et Vranken-Pommery) sont devenues à mission. De son côté, Danone est la seule société cotée du CAC 40 à avoir adopté, en juin 2020, ce label. Enfin, s’agissant des secteurs d’activité, la répartition des sociétés à mission est restée stable l’an passé par rapport à 2020. Les services en concentrent la grande majorité (79 %) devant le commerce (12 %) et l’industrie (9 %).
Mathieu Bahuet